Dimanche11 Septembre 2011

11/09/2011 07:00

                                                                                                                                                                                         Pardon

                                                                    24e DIMANCHE  ORDINAIRE      A

 

                  A la fin d’une réunion publique, l’orateur donne souvent la parole à la salle.

Alors, quelques fois, des auditeurs posent des questions, parfois  lon-gues et compliquées, auxquelles  l’orateur  répond  aussi  de manière  longue et compliquée – Résultat : un ennui poli  dans la salle.  

Et  puis, parfois, surgit une question  si simple, si naïve  qu’elle fait sourire et voilà que le conférencier, pour rester dans le ton, donne une réponse  si simple, si limpide  qu’on se dit  que ce naïf a rendu service  à toute  l’assemblée = Merci  à  Saint-Pierre, aujourd’hui, d’avoir  posé cette question  à  Jésus. Pour nous, chrétiens de vieille souche, la question  prête  à sourire : « ‘’Combien de fois dois-je pardonner à mon frè-re?’’»

 

                  Quelle  idée  de  compter  les  pardons ! Mais  la   question  n’est pas sotte, puisque  nous-mêmes, sans vouloir  calculer, nous disons  à l’autre :

 « C’est  la dernière fois  que je te le dis ! » - « Pour une fois, je passe, mais gare à toi maintenant ! ».

Autrement  dit, dans  notre  langage, nous  donnons   au  pardon  une chance, peut-être deux. Mais  notre  patience  a  des  limites. Nous  ne voulons  pas  passer  pour  des  poires. Nous  ne  voulons pas  être  des dupes. Il arrive,  comme on dit, « que le vase déborde » :

« Non, c’est assez. Je t’avais prévenu, tu vas ma payer ça ! ».

Il m’est arrivé, à propos des absences au catéchisme, de dire « une fois, ça passe ; deux fois, ça lasse ; trois fois, ça casse ». Je n’ai pas été jusqu’à trois fois !

                     

                   Alors  «‘’oui, Seigneur, jusqu’où  devons-nous  aller ?’’». Ce  serait  si facile  d’avoir un règlement et un compteur à pardons… « au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable ». Or, Jésus nous répond :  « ‘’Soixante –dix- sept fois  sept  fois ‘’ ! » autant  dire « encore, et  encore, sans cesse et sans limite, indéfiniment ».

 

                  L’énormité  de  la  somme  qu’il  remet  totalement  à  celui qu’il convoque : 10 000 talents = 60 millions  de  francs or, somme  fantastique, extravagante. Pour  vous  donner  un  point  de  repère,  l’his-torien Flavius Joseph estime qu’au temps de Jésus, les deux provinces de Galilée et de Pérée  payaient   200 talents  d’impôts, c’est-à-dire le  50e  du chiffre  cité  par Jésus.

Quel est  donc  ce  roi  pour  avoir  des  débiteurs  d’une  telle  somme ? Avec  de  telles  dettes, il  n’y  a  plus  qu’une  chose  à faire, selon  la loi païenne  du temps : qu’on  le  vende  lui-même, sa femme, ses enfants, ses  biens ; l’enfer  quoi ! Le   serviteur, inconscient, on ne sait, ou  bien renseigné  sur la bonté  de son maître, demande et obtient grâce ! Remise totale : « c’est fini ! On n’en parle plus ».

 

                  Deuxième  acte : Voici  notre  homme  libéré, pardonné, qui  rencontre  un homme  qui lui doit cent pièces ! Une  broutille ! Parlons  en euros : 60  millions  d’un côté, 16  euros  de  l’autre. On voit  le rapport ! L’autre ne peut pas rembourser : en prison !

 

                  Troisième  acte : le scandale  éclate, on va dire  au roi  ce qui vient de se passer. Le coupable est châtié après avoir été gracié : «’’Ainsi fera Dieu à l’égard de celui qui ne pardonne pas à son frère’’ ».

 

                Qui donc est Dieu qui exige le pardon de l’autre pour pardon

                              

ner  à son tour  et à tout coup ? Il est celui  qui peut  annuler  la dette, aussi considérable soit-elle, aussi énorme que soit la faute.

Pour Dieu, il n’y a pas de faute qu’il ne consente à remettre, qui ne reçoive  son  pardon : encore  faut-il le demander, encore  faut-il surtout montrer soi-même sa capacité de pardonner aux autres.

« ‘’Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ‘’ ».

 

                  Dans la première lecture, Sirac le sage disait la même chose :

« ‘’Pardonne  à ton prochain  le tort  qu’il t’a fait, alors, à  ta prière, tes péchés  te seront  remis’’ » et il nous explique  cela  par l’alliance, cette alliance nouée entre nous et lui :

« ‘’Pense à l’alliance du Très-Haut et oublie l’erreur de ton prochain’’. »

 

                  Curieuse  alliance, si  l’on  y  réfléchit  bien : habituellement, une  alliance  est un traité  d’assistance  et  de défense  mutuelles. Mais Dieu  n’a  nul  besoin  d’être  assisté  ni défendu. Mais  il  a  besoin que l’amour qu’il donne soit répercuté. Les termes de l’alliance  sont  donc les suivants :

«‘’Je t’aime, et toi, si tu m’aimes, prouve-le, en aimant ton prochain ‘’.»

«‘’Je te pardonne et toi, prouve ta reconnaissance en pardonnant à ton tour aux autres’’. »

Au  fond  dans  cet  évangile, il n’est  question  que  de  2 vérités  essentielles : le pardon de Dieu et le pardon des autres.

 

                  * Tout  d’abord, ‘’le pardon  de  Dieu’’=  la 1ière vérité  est  que l’homme a besoin du pardon de Dieu, comme nous le disons au début

                                                 

 

de chaque messe :

 « ‘’Reconnaissons que nous sommes pêcheurs’.» - «‘’Seigneur, prends pitié!’’» - «‘’O Christ, prends pitié’’! » - «‘’Dis seulement une parole  et je serai guéri’’».

Devant le Seigneur, prêt à nous pardonner : est-ce-que nous reconnaissons notre péché ?  Est-ce-que nous connaissons même notre péché ? Ou bien  est-ce-que  nous vivons  des compromis louches : « les affaires sont les affaires » ? Ou bien « y a pas de mal à ça », « les autres  en font autant, pourquoi pas moi ? » - « Dieu n’en demande pas tant ! »

Dans  un mouvement  de  réconciliation, allons-nous   vers  le seigneur  lui  demander   son pardon  dans la prière, dans  le Sacrement  de pénitence ? Le péché  abaisse, le remords  tue. Mais le repentir  libère et le pardon  remet  debout. Pour retrouver  la paix  et la liberté  intérieure, nous avons besoin du pardon de Dieu.

 

                  *  2ième vérité aussi importante que la précédente : si l’homme a besoin du pardon de Dieu, il a aussi besoin du pardon des autres. Le pauvre  malheureux, avec sa petite dette de 16 euros, a besoin, lui aussi, d’être pardonné. S’il n’a pas obtenu, à son tour, le pardon de l’autre, il reste  enchaîné  et sa vie  est brisée : nécessaire  pardon  d’homme  à homme, de  créature  à  créature. Est-ce-que  nous  le  pratiquons  avec  la même  générosité  que Dieu ? Cherchons-nous  à pardonner  comme Dieu  pardonne   à  nous-mêmes ? Savons-nous  répercuter  sur  les  au-tres, sur nos proches, la grâce  que Dieu nous a faite ?

 

                     Voyez-vous, avoir été  pardonné  par  Dieu ( et cela vous est arrivé  combien  de fois ? plus de  sept fois ?), c’est, pour  vous, devenir  responsable   du  pardon  des  autres, parce  que  nous  avons  été  pardonnés nous-mêmes, nous sommes porteurs de pardon pour l’autre. 

       

                     Si un jour ou un autre, vous  consultez  en vous-même pour décider  si  vous  ne calez pas, ou  si  vous  pardonnez, à ce moment-là, rappelez-vous tout ce qu’a fait le Père pour vous !

Rappelez-vous la croix de Jésus pour vous : « ‘’Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font’’. »

Rappelez-vous  toutes  ces  absolutions  reçues à chaque fois  que vous êtes allés  vous réconcilier  avec Dieu… et alors, que nous pardonnions « ‘’comme nous sommes pardonnés’’ », nous qui avons  beaucoup plus  à nous faire  pardonner  par Dieu  qu’à  pardonner  aux autres.

 

                  C’est vrai, ce n’est pas  facile, car  ce n’est pas  humain, c’est divin. « ‘’Soyez bons vous autres, parce que moi je suis bon !’’ »

Adoptons, peu à peu, les mœurs de Dieu. Entrons dans sa mentalité, c’est le meilleur moyen de devenir comme lui.

Comme lui, ayons plus d’amour que de mémoire. Aimons assez pour tout oublier comme lui.

AMEN